Fan de Kaamelott de la première heure et du travail d’Alexandre Astier en général, impossible de rater ce premier long-métrage. Film vu hier soir à la séance de 20h05 dans une salle d’une douzaine de personnes, et largement approuvé.
« David est ergothérapeute. Il exerce depuis peu dans une riche clinique suisse. Alors que, un matin, il manque une de ses collègues à l’appel, on lui confie une patiente à accompagner pour une course en ville : Madame Hansen-Bergmann. D’abord prudent et respectueux du protocole médical, David se montre procédurier. Mais au fur et à mesure qu’il côtoie sa patiente, sa curiosité grandit : tant de provocation et d’insolence, mêlées à de si soudaines vagues de détresse et de chagrin inexpliquées, ne peuvent cacher qu’un grand traumatisme. Ils ne reviendront pas à l’heure prévue… »
Un film très inattendu que ce premier long-métrage d’Alexandre Astier. Inattendu en terme de cinéma, bien sûr, puisqu’à vrai on l’attendait depuis plusieurs années déjà suite au refus d’Alain Delon qui devait initialement jouer le rôle confié à Adjani et qui a lâché l’affaire à 15 jours du tournage sur un prétexte miteux. C’est peut-être le meilleur qu’il ait pu faire, d’ailleurs, je n’imagine pas ce film avec Delon dans le rôle principal, tout bon acteur qu’il soit. Bref, on savait parfaitement que David et Madame Hansen serait tout sauf Kaamelott, mais à ce point le changement est presque violent, ce qui n’est pas pour me déplaire. C’est vraiment totalement autre chose, à tout point de vue, un excellent point pour commencer.
Le scénario est très simple, ce qui explique peut-être les nombreuses critiques qu’il recueille : on est pas là pour démêler l’écheveau des péripéties de la vie de la patiente, pour résoudre un crime ou une crise existentielle, pour comprendre la relation de David avec sa compagne ; c’est une comédie dramatique teintée de road-movie qui nous fait simplement suivre deux personnages, le premier entraînant le second contre son gré dans une escapade un peu étrange.
Les premières scènes montrent un Alexandre Astier qui ressemble un peu trop au Arturus du Livre VI de Kaamelott, un personnage dans un environnement qu’il maîtrise mal et qui, sans être totalement paumé, n’est pas non plus en position de force. Sur le coup j’ai eu un peu peur pour la suite, mais ça ne dure pas et David prend réellement toute sa personnalité au contact de Madame Hansen. La première rencontre des deux protagonistes est assez décapante, avec une longue introduction sous forme de gros plans et très gros plans sur Astier dans le cadre d’une activité proposée à la patiente. Mention spéciale pour cette scène et ce choix technique : tout au long du film on alterne des plans classiques avec des vues originales d’Astier, des profils et des cadrages qu’on a jamais dans Kaamelott, ce qui permet de mettre de côté les précédents personnages d’Astier et de rester attaché à celui de David. Ça ne met pas nécessairement Alexandre Astier en valeur, mais ça aide à décrocher les souvenirs de ses autres incarnations.
On ne va pas en faire des caisses sur Adjani, c’est une excellente actrice et elle le montre une fois de plus ; certaines répliques peuvent paraître un peu forcées, d’autres sont carrément prévisibles, mais le jeu fait mouche et le personnage est à la fois intriguant et horriblement agaçant par moments. C’est aussi très agréable de voir un Astier dominé, pour une fois. Bon, David a l’air relativement sûr de lui durant la plus grande partie du film, un petit regret qui manque parfois de justesse là où on attendrait plutôt un personnage un peu plus déboussolé que ça, mais considérant qu’il est le soignant il se doit de donner l’apparence de tout maîtriser pour ne pas influencer le comportement de sa patiente et ne pas inquiéter ceux qui les accompagnent. D’autant qu’il ne maîtrise finalement rien du tout et laisse libre court à sa panique dès que Madame Hansen lui échappe.
C’est d’ailleurs avec ce film que se confirme mon opinion sur le jeu d’acteur d’Astier : bon, mais pas plus que ça. À plusieurs moments j’ai retrouvé exactement le Alexandre Astier que j’ai déjà vu ailleurs, au froncement de sourcil près. C’est peut-être la plus grosse déception en ce qui me concerne : Astier ne peut pas être parfait partout, et si il assure bien la réalisation, l’écriture et la musique, le jeu d’acteur ne suffit pas dans certains rôles. À la réflexion, le jeu d’Astier ne m’a jamais vraiment interpellé en ce sens qu’il est avant tout − en ce qui me concerne en tout cas − réalisateur. Je ne me fais pas de soucis pour lui de ce côté-là. Mais il est des films, des rôles qui demandent plus que ce qu’il semble pouvoir fournir, et le personnage de David en fait partie.
Côté réalisation du coup, j’ai adoré. Richesse des plans, cadrages, on sent qu’il s’est fait plaisir et qu’il a testé des trucs qu’il n’avait pas pu faire avant. Les très gros plans me semblent inédits dans le travail d’Astier, et je ne crois pas avoir vu un seul plan séquence dans ce film, alors qu’il en avait pas mal usé dans le Livre VI, et qu’à vrai dire je m’attendais à en bouffer vu le type de film proposé. Et bien non. Par contre, plusieurs champ-contrechamps excellents (scène du café, scène finale en particulier, j’adore ce type de vue) et globalement des plans qu’en tant que photographe j’aurais voulu shooter moi-même.
La musique est également très réussie. Très présente sans pour autant s’imposer, on reconnaît la touche Astier dès les premières secondes du film avec ces mélodies de piano qui commencent par une simple note répétée comme on peut en entendre dans le Livre V de Kaamelott. Quelques passages jazzy aussi, comme je m’y attendais, intelligemment disséminés.
Le principal défaut de ce film ? Pas assez ambitieux. Certains points de détails demeurent mystérieux à la fin du film, on en vient à se demander pourquoi ils sont dans le scénario et dans la bande-annonce, notamment un détail particulier de la scène de la piscine, ceux qui ont vu le film verront de quoi je parle. Certes cela amène David à entrer pleinement dans le jeu de Madame Hansen pour reprendre le contrôle de la situation, mais à ce moment Astier passe en mode Arthur avec ses explications foireuses pour noyer la peau de l’ours. Gros ratage que cette scène qui paraît complètement à côté de la plaque, elle aurait certainement pu être amenée de manière plus subtile.
J’ai aussi un peu regretté les scènes « classical Astier » de la bouffe ou du plumard : on les a tellement déjà vu dans Kaamelott que pour un film aussi écarté du registre de la série, je ne m’attendais pas à ce qu’il les réutilise en l’état, cela m’a donné l’impression qu’il a − consciemment ou non − replacé des scènes type qu’il maîtrise bien au milieu de scènes totalement nouvelles, j’ai ressenti ça comme un signe d’un manque de confiance, d’un besoin de mettre un truc connu pour se rassurer, du coup ça m’a empêché d’apprécier les scènes pour leur valeur et ce qu’elles apportent à l’histoire, c’est un peu dommage. Les thèmes habituels d’Astier sont là eux aussi, le petit élément de la hiérarchie qui défie l’ordre établi et qui a raison, les méthodes peu orthodoxes qui fonctionnent là ou la méthode classique est inopérante, etc, et ça passe très bien ; mais les scènes, c’est plus difficile à avaler.
C’est à ce niveau que ça manque d’ambition selon moi : si le film est réellement à contre-emploi d’Astier et qu’il est totalement à l’opposé de ce qu’on pouvait attendre de lui, j’ai eu l’impression d’une certaine frilosité qui a amené certaines scènes, qui sans être inutiles, sont maladroitement placées. Ce manque d’ambition se fait aussi sentir dans la fin du film, on aurait bien aimé 15 minutes de plus pour apporter quelques précisions supplémentaires, mais je pense que c’est un parti pris et je comprends le choix d’Astier. Il faut garder à l’esprit que c’est son premier long-métrage, c’est difficile de tout mettre dedans et même de faire un truc parfait, encore plus de faire un truc totalement original et sans le moindre rapport avec ce qu’il a fait précédemment.
On ne peut pas conclure sans une mention spéciale pour les seconds rôles. David et Madame Hansen est un film intime, la majeure partie n’incluant que quatre personnages ; au delà du couple Astier-Adjani, Julie-Anne Roth est à mon avis trop laissée de côté, mais cette légère absence est compensée par le rôle de Victor Chambon qui, sous des airs d’ado un peu mou révèle une belle sensibilité et une belle compréhension pour la patiente de son beau-frère, ouvrant ainsi la porte à plusieurs belles scènes qui marquent le film d’une touche de fraîcheur. On peut mentionner également Sébastien Lalanne dont le rôle ne m’a pas franchement plu mais qui montre ici une facette de son jeu qui m’était inconnue, agréable découverte. Mais le meilleur second rôle est sans conteste Jean-Charles Simon dans le rôle du docteur. Véritable surprise et coup de cœur instantané pour ce personnage.
En résumé, loin du chef d’œuvre, mais un très bon film pour une première, avec son lot d’erreurs et d’imperfections, mais qui fait passer Astier dans la cour des réalisateurs de cinéma et qui montre qu’il a bien le talent nécessaire pour écrire et réaliser sur grand écran. La télé et le cinéma sont très différents sur bien des points, et nombre de réalisateurs télé qui se sont essayés au cinéma se sont plantés en beauté ; je ne pense pas que ça sera le cas d’Astier.
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